INTRODUCTION : Le nomadisme ?
« On ne devient nomade impénitent qu’instruit dans sa chair aux heures du ventre maternel arrondi comme un globe, une mappemonde. Le reste développe un parchemin déjà écrit. Plus tard, beaucoup plus tard, chacun se découvre nomade ou sédentaire, amateur de flux, de transports, de déplacements, ou passionné de statisme, d’immobilisme et de racines. […] Les premiers aiment la route, longue et interminable, sinueuse et zigzagante, les seconds jouissent du terrier, sombre et profond, humide et mystérieux. Ces deux principes existent moins à l’état pur, à la manière d’archétypes, qu’en composantes indiscernables dans le détail de chaque individualité. »[1]Cette citation empruntée à Michel Onfray fait état de deux types de conceptions de vie, d’un choix à envisager, à imaginer. Dans un premier temps, nous sommes, en tant qu’être humain, tous identiques, nous naissons, nous grandissons et c’est à la suite d’un long cheminement que nous serons en mesure de faire des choix. Parmi ceux-ci, il y aura celui du mode de vie, voudrions nous devenir nomade ou sédentaire ? Aucune de ces envies d’existence n’est irréversible, on peut les expérimenter à loisir selon nos envies. Ainsi, on s’aperçoit que certaines personnes regroupées en communauté ont préféré le mouvement perpétuel, par exemple, les gens du voyage ou les forains qui ne font d’ailleurs pas l’unanimité car en Europe comme dans plusieurs continents, le sédentarisme est le mode d’existence privilégié. Néanmoins, les systèmes nomades connaissent aujourd’hui un regain d‘intérêt, que se soit au journal télévisé ou bien dans des salons d’habitat, ils connaissent une expansion particulière. Il n’est pas rare de « tomber » sur un reportage expliquant que des sédentaires quittent leur maison en dur et le jardin qui va avec pour une yourte montable, démontable et transportable. De fait, le nomadisme s’enrichit de conceptions diverses et variées et il convient de recentrer cet état d’esprit et de vie sur une possible origine. « Dans l’Afrique du Nord, le nomadisme doit bien son origine […] à l’activité pastorale : les migrations régulières et périodiques sont bien une conséquence de la nécessité de trouver la pâture pour les troupeaux qui constituent la richesse d’une tribu. Mais d’autres facteurs, accessoires peut-être, n’auraient-ils pas joué leur rôle dans l’extension de certaines formes du nomadisme ? On sait que le nomade, s’il est un pasteur, est aussi un grand commerçant […] ».[2]Donc, nous savons maintenant qu’à ses débuts, l’activité nomade est un mouvement de tribu constant régit par la nécessité de trouver des moyens de subsistance alimentaire ou financière. La grande particularité de ce mode de vie est bien évidemment le changement perpétuel de lieux et les composantes qui vont avec : habitations démontables, mobilier limité, gestion des éléments constitutifs de la vie ou de la survie, restriction des objets aux premières nécessités. Du fait du regain d’intérêt porté à ce mode d’existence dont nous avons amorcé la thèse un peu avant, le nomadisme prend des sens bien plus divers aujourd’hui car, il s’applique à des champs variés comme celui des arts par exemple. « Il n’y a rien d’étonnant à voir aujourd’hui des artistes emprunts de mobilité croissante et de fougue communicationnelle dans un contexte de réduction des distances spatiales par les technologies du déplacement, leur « démocratisation » (voitures individuelles, avions, trains à grande vitesse) et de développement des technologies de l’information (outils et réseaux numériques) »[3]. Ce qui est intéressant, c’est de noter que l’ancien nomadisme, toujours en vigueur dans certain pays, a été en quelque sorte réemployé et réajusté à des préoccupations actuelles en termes de nouveaux mode de vie, mais également au niveau de la création artistique. Dans le premier cas, on recherche le nomadisme mais avec un certain confort : bonne isolation, chauffage. Dans l’autre cas, les artistes ont cherché dans les éléments constitutifs du nomadisme des possibilités de création nouvelle, ils n’ont pris que certains éléments et rares sont ceux qui ont poussé l’expérience du vrai nomadisme comme la famille Niveaux. En effet, nous avons la possibilité de suivre leur épopée via leur blog[4], elle est artiste, lui photographe et anciennement enseignant aux beaux-arts de Caen.
Leur but est de « scanner » des plantes à travers le monde. Ils sont donc partis il y a environ un an et suivent un trajet prédéfini, se laissant guider par leurs trouvailles. Le camion qu’ils ont spécialement emménagé pour l’occasion leur permet d’établir une sorte de point de chute quotidien tout en étant en perpétuel mouvement. Ces déplacements font partie intégrante de leur pratique.
La question qui tournerait autour d’un art nomade a été évoquée ici, néanmoins, elle ne constitue pas un point central, ce qui est important, c’est de comprendre que le nomadisme est un mode de vie avec des composantes définies, déplacements continuels, point de chute, mouvement, qui s’appliquent à tous les types de nomadisme. Nous avons essayé de mettre en évidence ce qu’est le nomadisme et comment il a pu être repris dans la sphère artistique dans son entièreté ou partiellement. Néanmoins, la préoccupation majeure qui va être la notre à présent sera de comprendre en quoi le net art et le nomadisme ont des points communs. Nous tenterons de montrer qu’il existe des rapports entre ces deux « disciplines ». Le choix de ces deux composantes réside dans le fait que le « nomad system » est précisément le titre du « work shop » proposé par notre enseignant, le second est un choix personnel qui trouve sa source dans le fait qu’il est hyper-actuel. En effet, les ouvrages qui mettent en évidence les rapports qui s’entretiennent entre le nomadisme et l’art sur internet sont rares voire inexistants pourtant nous essaierons de montrer qu’il existe bel et bien des points de convergences théoriques.
Mais, avant d’entrer dans le détail de ces rapports, il convient de préciser ce qu’est le net art.
[1]M. Onfray, Théorie du voyage, poétique de la géographie, Librairie Générale Française, Paris, 2007, P. 9-10.
[2]J. Brunhes, La Géographie humaine, PUF, Paris, 1942, p. 406.
[3]F. Raffin, « La pensée nomade et les nouvelles mobilités artistiques contemporaines » extrait du colloque Nomadisme, nouveaux médias et nouvelles mobilités artistiques en Europe, 21-22 Fèvrier 2007, Théâtre Paris-Villette.
[4]Blog famille Niveaux : http://niveaux.uniterre.com