Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Net art et Nomadisme
18 mars 2011

L’art sur internet, qu’est ce que c’est ?

Pour envisager ce qu’est le net art, il convient de comprendre, en amont, que les préoccupations artistiques sont toujours ou le plus souvent le reflet de motivations ou de bouleversements qui agitent l’ordre social et humain d’une époque donnée. L’art sur internet puise ses prémices dans les recherches plastiques des artistes dit de « nouveaux médias », ils concernent tous ceux qui ont introduit des matériaux analogiques puis numériques dans leurs productions. En 1963, Nam June Paik et Volf Vostell sont les premiers à proposer des œuvres d’art vidéo. Pour le coréen ce sera une installation proposant des moniteurs « préparés » au sein de la galerie Parnasse de Wuppertal en Allemagne. Le procédé consiste en une installation de treize moniteurs émettant chacun une fréquence électro-acoustique différente. Ceux-ci sont alignés et présentent donc une image zébrée, modifiée, non figurative. De son côté, la même année, Volf Vostell présente à New York une œuvre intitulée Sun in your head.

sun_in_your_head_v_vostell_1 sun_in_your_head_v_vostell_2 sun_in_your_head_v_vostell_3

Il montre aux spectateurs une succession d’images issues de la télévision qu’il dérègle. Elles sautent et vacillent, elles décollent. De même, Nam June Paik est un des premiers à utiliser le « Portapak », il s’agit d’une caméra portative, une des premières, ceci lui permet de capter et d’enregistrer de nouveaux espaces le plus souvent publics et surtout, d’être en constant mouvement : une sorte de nomadisme vidéo.

Portapak

De fait, ces nouveaux artistes continuent le travail d‘exploration du monde sur le vif amorcé par les Impressionnistes, Pissaro avait « trafiqué » sa barque et l’avait aménagé  en une espèce d’atelier mouvant, de même, Manet peignait directement dans son jardin. L’espace de création n’est donc plus envisagé entre quatre murs mais il les dépasse jusqu’à intervenir directement dans des espaces ouverts, comme ce fut le cas avec le « Portapak ».

Ensuite, alors que les artistes usent et abusent des moniteurs et des possibilités offertes par la vidéo, les recherches de Boole, Zuse, Turing ou Hooper amènent à la création de plusieurs prototypes d’ordinateur. Dans les années soixante-dix, Apple, co-fondé par Steve Jobs et Steve Wozniak, vend plusieurs modèles d’ordinateurs. En 1981, c’est le grand « boom » des Personal Computer, les PC. L’histoire d’internet est bien plus rapide que celle des ordinateurs, dès 1955, Tim Berners-Lee propose un projet hypertexte d’envergure : le World Wide Web. Il s’agissait de faciliter l’accès des données aux divers chercheurs, ainsi, sans contraintes de localisation physique, ils avaient accès à une grande quantité de ressources textuelles. C’est vers le début des années quatre-vingt-dix qu’apparaissent les navigateurs multimédia permettant l’échange de vidéos, photos ou sons. Enfin, ce sera Mozilla et Internet Explorer qui prendront la relève toujours assurée aujourd’hui. De fait, ces nouvelles technologies ne sont pas passées inaperçues aux yeux des artistes, ainsi dès 1966, un groupe nommé EAT est fondé par Billy Klüver et instaure une sorte de partenariat entre des chercheurs, des designers, des programmeurs et des artistes en une sorte d’atelier interdisciplinaire. Andy Warhol, Yvonne Rainer, Robert Rauschenberg, Jasper Johns ou John Cage ont participé au développement de projet au sein de ce groupe. Mais, l’apogée de cette forme d’art se situe plutôt quelques décennies plus tard vers 1990, où effectivement les artistes s’emparent du web, logiciels ou e-mail pour proposer des œuvres d’art internet. « L’art internet fait partie, au sein de l’Histoire de l’art, d’un continuum qui inclut des stratégies et des thèmes tels que les instructions, la dématérialisation, les réseaux et l’information. Il est intéressant d’observer les parallèles qui existent entre l’art internet et les idées présentes dans des œuvres antérieures »[1]. Ainsi, cette nouvelle forme d’art a réussi à entrer dans l’histoire de l’art et a finit par être connu et reconnu par ses pairs. Parmi les premières œuvres de ce nouvel art, on peut notamment citer Heath Bunting, qui présente en 1994 King’s Cross Phone In, sur une page web, il liste tous les numéros des cabines téléphoniques de la plus grande gare de Londres et demande aux internautes de téléphoner un jour, tous ensemble à la même heure.

 king_s_cross_phone_in

Le résultat produit une sorte de mélodie téléphonique au milieu de cet espace public hyper fréquenté. Le but de la manœuvre consiste en une prise de conscience de la portée artistique de la plateforme internet mais également de faire entrer en interaction diverses personnes inconnues.

Finalement, le net art offre un espace créatif où les possibilités formelles, textuelles, plastiques sont sans limites, le médium en tant que tel est nouveau et sans équivalent, les changements et mouvements y sont incessants, l’interactivité avec le public ou « l’esthétique relationnelle »[2] y est capitale. Néanmoins, il faut bien rappeler que nous sommes en face d’une discipline artistique très récente et en constant mouvement et que ceci constitue des jalons de difficultés pour envisager notre propos. « L’art internet est un sujet difficile à résumer dans le cadre d’un panorama critique et historique tel que celui-ci, non seulement en raison de la singularité même d’Internet en tant que technique capable d’accueillir une grande diversité de formes artistiques, mais aussi de sa relative jeunesse, de sa nature dématérialisée et éphémère, de son envergure » [3].

Aujourd’hui, le net comprend une foule de site artistique mais il convient de les différencier en plusieurs catégories qui n’ont rien à voir les unes par rapport aux autres. En effet, les artistes envisagent les sites de différentes manières, nous allons tenter d’éclairer cette perspective. D’abord, il existe des sites d’artistes, il s’agit d’une sorte de catalogue de leurs œuvres, de leur pratique, ils sont créés de manière plus ou moins ludique. Par exemple, on peut visiter le site de Daniel Buren (http://www.danielburen.com) et voir ou revoir toute les œuvres depuis le début de son parcours. Puis, on peut se balader dans la mini ville de Wim Delvoye (http://www.wimdelvoye.be/), un bus nous prend et nous dépose devant les divers bâtiments (usine Cloaca, la ferme, le château ou la cathédrale) qui symbolisent les divers travaux de l’artiste. Sinon, le site de Grout-Mazéas (http://groutmazeas.free.fr/) nous ouvre les portes de son atelier, ainsi on comprend la démarche de l’artiste, on peut l’apprécier à l’œuvre, le côté un peu mystique de la création ouvert aux curieux.

Il y existe les sites qui sont des œuvres d’art à part entière et où il y a une possible interaction avec « le public ». Il ne s’agit plus d’une vitrine de travaux mais bien d’une œuvre en action, dont le support est le web et le fonctionnement provient de l’internaute. Si l’on n’a pas froid aux yeux, on peut se connecter à l’adresse suivante, http://www.mouchette.org et tenter de répondre aux questions aussi inattendues qu’embarrassantes que nous pose cette vrai/fausse jeune fille de treize ans. Derrière ce personnage se cache une artiste bien plus âgée mais le langage qu’elle utilise peut faire penser effectivement à une fillette de treize ans.

Enfin, on peut trouver des catalogues ou des bibliothèques d’œuvres d’art qui propose une réunion d’artistes. Il s’agit là d’un conglomérat d’informations, une base de données ouverte à qui souhaite s’instruire : http://www.insecula.com, http://www.documentsartistes.org, etc.

 

L’art internet trouve ses prémices dans un continuum de recherches plastiques amorcées par les artistes des générations qui le précède et également dans les trouvailles des scientifiques qui sont parvenus à créer des prouesses technologiques dont nous usons quotidiennement : ordinateur et internet. « Les changements qu’ont connu les technologies de l’information ont affecté, parfois profondément, la pratique artistique […] à son tour, cette pratique a influencé voire provoqué certaines innovations technologiques »[4]. La toile devient donc un support créatif sans limites qui offrent des possibilités de sites de diverses natures en mouvement constant.

 



[1]R. Greene, L’art Internet, Thames & Hudson, Paris, 2005, p. 8-9

[2]N. Bourriaud, L’esthétique relationnelle,

[3]R. Greene, op. cit., P.8

[4] Ibid. P. 8

Publicité
Publicité
Commentaires
Derniers commentaires
Publicité
Publicité