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Net art et Nomadisme
18 mars 2011

Communauté/interaction/interactivité…

Lorsqu’il est question de nomadisme, on sous-tend assez souvent la notion de communauté. On peut tout à fait expérimenter ce mode d’existence en solitaire mais de manière générale celui-ci est envisagé en groupe. Ce faisant, la vie au quotidien paraît plus simple, chaque personne attachée à la communauté a un travail à accomplir qui servira l’ensemble des membres : une sorte d’autarcie communautaire. D’ailleurs, il est plus souvent question de nomades avec un « s » pour parler de ces groupes d’êtres humains et, on définit plus volontiers une personne seule comme étant explorateur, voyageur et non nomade. D’ailleurs, une autre définition du Grand Robert nous donne ceci : « Qui n’a pas d’établissement, d’habitation fixe (en parlant d’un groupe d’humain) »[1]. Il n’y a rien de définitif dans ces termes mais il s’agit plutôt d’envisager ces principes de vie de manière un peu générale, globale. Car, il existe très certainement des personnes seules qui vivent en nomade, mais le propos qui va suivre s’attachera à la notion de communauté si souvent à l’œuvre chez les nomades mais également au sein du net art.

Effectivement, le net art, dans certaine proposition, expérimente l’axe de la communauté, de l’échange ou encore de l’interaction. L’enjeu principal est de créer une plateforme via un site internet qui questionnerait les rapports d’échange entre artistes et spectateurs (quand bien même peut-on encore parler de spectateurs ou d’internautes ?). Mais, internet a connu son expansion justement au moyen de ces échanges, internet est une base de données personnelles pour tout un chacun. Nous avons tous soit, des blogs, des pages facebook ou tweeter, nous avons tous des comptes personnels pour EDF, nos impôts, nos téléphones, nos abonnements ou autres. Les espaces personnels et les échanges entres les différents membres sont les points d’orgue de ce cyber-espace. Il suffit de faire une recherche avec pour base un nom et un prénom pour connaître beaucoup d’informations sur une personne « X ». Internet est une sorte de vitrine de notre intimité protégée par des pseudos « login » ou « mot de passe ». Certains n’hésitent d’ailleurs pas à diffuser volontairement leur vie à toute la communauté, Nicolas Thély dans son ouvrage Vu à la webcamexpose bien ce fait. Donc, que se soit dans un groupe de nomades ou bien dans la communauté des internautes on peut constater le fait qu’il existe bel et bien une intimité partagée. Pour les nomades, la vie en groupe dans un espace souvent restreint implique que ses membres doivent subir les regards des uns et des autres. En gros et vulgairement, le simple fait de vivre dans une petite communauté, tous ensemble, sous-tend que tout le monde sait tout sur tout le monde. L’intimité est partagée comme le pain ou l’eau. Le cyber-espace est quant à lui extrêmement vaste et varié, pourtant, des internautes n’hésitent pas à proposer leur intimité au plus grand nombre. Finalement, c’est un peu l’inverse des nomades, dans chaque cas, l’intimité est dévoilée, pour le premier elle est involontaire, pour le second elle est voulue, pour le premier, on ne peut y échapper, pour le second c’est le moyen pour être vu et c’est une finalité recherchée. Donc, dans ces deux thématiques la question de l’intime est convoquée mais envisagée de manière différente. Dans le cas de la toile, Nicolas Thély a très bien analysé ce fait, dès les premières pages, l’auteur nous immerge dans son exploration de cette thématique de l’intime. « Un dimanche chez Corrie et Rickert comme si on y était, voilà ce que l’on peut voir sur le site internet de Corrie. Dans leur appartement, la jeune femme a installé, depuis 1998, une caméra vidéo reliée à un ordinateur qui filme leur quotidien et diffuse les images sur Internet via son site cam@home, « camera à la maison » »[2]. (http://www.camathome.com/)

cam_at_home_001

Nous pouvons donc voir et suivre la vie personnelle de ces gens à longueur de temps, nous pouvons vivre avec eux comme si nous étions une communauté, plus aucuns secrets. Si on se gratte le nez devant la webcam, tout le monde le voit… De même, on peut lire sur les pages suivantes ceci : « Son existence conserve une part de mystère, même si elle s’organise autour de son site, un petit théâtre personnel dans lequel se joue son intimité… »[3]. On peut aisément continuer sa lecture sur cette thématique de l’intimité, un chapitre entier est consacré aux « journaux web-intimes »[4]. Mais, notre propos n’ira pas plus loin car d’autres thèses sur la thématique commune de la communauté nous attendent.

En effet, lorsque l’on parle de communauté, on sous-tend également la notion d’interaction entre les divers membres. Pour reprendre l’ouvrage de Nicolas Thély, il a observé durant plusieurs années les webcams de Corrie ou des Cute Couple et a finalement pris contact avec eux à la fin de son analyse. Aucunes interactions n’a été en jeu durant son développement mais à la fin, la curiosité ou juste l’envie a pris le dessus, il y a eu échange et donc interaction. Les sites d’art ont justement, pour certain d’entre eux, cette base d’expérimentation. Le but des artistes qui engagent un tel propos est de faire entrer en contact divers personnes entre elles, que leur site fonctionne au moyen de la contribution de ses pairs. Fred Forest nous donne d’ailleurs une définition de l’interactivité pour que tout le monde soit à l’unisson : « L’interactivité se définit comme la propriété d’une application informatique qui permet à l’utilisateur d’interagir avec le système pour déclencher diverses actions… »[5]. C’est donc le cas du site-œuvre de l’artiste Marc Em, Audiogame,le spectateur-internaute peut s’amuser à mixer, à modifier des vidéos de train, en fonction des sons et de la vitesse. De même, Reynald Drouhin propose AlterNative,( http://www.incident.net/works/alteraction/altern/index.html) l’internaute manipule à son grès les diverses images.

 alternative_001

C’est également le désir de Bunting et de son King’s Cross Phone In dont nous avons déjà parlé au chapitre précédent.

king_s_cross_phone_in

Enfin, Le cyber-espace comme le nomadisme est un pôle de rencontre entre les divers membres de la communauté. C’est d’ailleurs ce qui constitue la spécificité même du médium utilisé par les artistes. « A la différence de l’objet fini, achevé et prêt à la consommation, face auquel la passivité est de mise, l’œuvre consiste ici en une relation en temps réel entre les spectateurs-acteurs. L’important n’est pas ce que vous voyez mais ce qui se passe entre les gens : l’évènement, le processus, l’interaction critique et sociale, l’échange, prévalent sur l’objet »[6]. Donc, devant une œuvre d’art que l’on pourrait grossièrement qualifier de traditionnelle, peintures, sculptures, installations, vidéos, les spectateurs ne sont que des « regardeurs » alors que pour une œuvre d’art sur internet, la grande trouvaille, pour les sites qui se revendiquent comme tels, serait plutôt une transformation du spectateur en « acteur ». Ainsi, ce faisant, ces divers acteurs entre en interaction les uns avec les autres et ceci constitue évidemment le point de départ d’une multitude de rencontres. De même pour le nomadisme, les déplacements continuels amènent les divers membres à côtoyer de nouvelles personnes surtout lorsque ces mouvements sont régis par une volonté de commercer.

Le simple fait d’appartenir à une communauté nomade ou virtuelle implique d’entrer en contact avec les divers membres qui les composent. La spécificité d’internet par rapport au nomadisme est bien sûr cette intimité dévoilée voulues et parfois même recherchée que n’arbore pas le nomadisme « traditionnel » où le manque de pudeur est subit par le simple fait de vivre tous ensemble dans des espaces restreints. Il n’est pas question de critiquer négativement ce mode d’existence et d’avancer une thèse infondée mais plutôt d’émettre une hypothèse qui sert positivement notre propos. Les rencontres et les échanges entre les divers personnages qui fondent ces deux groupes nomades ou virtuels peuvent même être, certainement  à la base du bon développement de ceux-ci. Parler, communiquer, entretenir des relation peuvent être considérer comme le fonctionnement obligatoire et bénéfique à tout un chacun, nomade, sédentaire, internaute ou développeur de site.



[1]Site web du dictionnaire le Grand Robert, article : nomadisme

[2]N. Thély, Vu à la webcam, Les Presses du Réel, Paris, 2002, p. 15.

[3] Ibid. p.66

[4] Ibid. p.143

[5]F. Forest, L’art et Internet, Editions Cercle d’Art, Paris, 2008, p. 21.

[6] Ibid. p. 19.

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